20 Août 1914 Y.
Ma chère maman, ma chère Denise,
Merci de vos chères lettres elles m’ont fait du bien… il faut du courage pour vivre !... 
Donne-moi l’adresse de François 
Ici nous avons eu du cher Max quelques nouvelles indirects que je vais tâcher de vous narrer proprement ! 
Donc Maxime était à Revin samedi,.. dimanche matin ils sont partis (tout l 110e) pour Florenne ( ?) à pied avec tout leur fourbi… ils ont fourni une très longue étape et arrivés le soir à Florenne ( ?) (où il y a un pensionnat et un noviciat de jésuite) c’est du reste par un des Pères dont de frère, Père jésuite est capitaine au 110ème que nous avons appris tout cela.
Ils sont arrivés, on a pu les faires se doucher, s’arranger !! car ils avaient eu une chaleur folle ils ont soupé et se sont couchés sur de la bonne paille… mais à 2 heures du matin il a fallu les faire lever dare-dare afin qu’ils filent sur Dinant où le 33e (d’Arras) était très menacé… ce régiment du reste a été très éprouvé… le 110ème est donc arrivé à 6h  du matin mais comme il avait été précédé de son artillerie « ils n’ont pas été très éprouvés »… et alors ils se sont battus là lundi, mardi… et voilà… il faut vivre avec cela et quand on voit que ces brutes tuent les blessés à coup de crosse de fusil, fusillent leurs prisonniers on a en soi un sursaut de colère inouïe ! Ce pauvre Georges est dans un état fous !
Un Mr qui sort d’ici a vu ce matin les départs de Bruxelles… c’était navrant… ils y sont depuis midi ! Et ces officiers sont d’une arrogance… ils sont sûrs de la victoire… et on a beau se dire que si on les laisse s’avancer on a un plan, que les belges, français et anglais vont d’une action concertée leur tomber dessus… on a tout de même l’angoisse !
La vie ici est remplie pour tous et pour moi bien lourde. Les enfants (les 3 grands) sont prispour les services ambulanciers ils se dépensent tant qu’ils peuvent !...
J’ai une bien affectueuse lettre de Me Dupuy qui me dit que les hôpitaux d’Angers, de Nantes sont pleins de blessés on a installé des ambulances dans de petits villages voisins tant il y en a ! !
Parle-moi du cher François.
J’embrasse les chers petits et vous deux de tout cœur… notre réunion de juin si joyeuse sera nos derniers baux jours… comme c’est déjà loin ! La pauvre Bichette fait pitié.
Votre Y
Ecrivez 
Ci-joint la lettre de Léonie que marraine me charge de vous transmettre… vrai ! ! comme marraine dit… il faut la lire pour le croire ! André Gaillart s’est engagé il est à Auxerres.
Nous devrions être à Lourdes sans ces sales Allemands !

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23 Août 1914 Y.
Ma chère maman,
Rien de neuf. Attente énervante et silence angoissant. Nous commençons à voir passer des troupes Infanterie, cavalerie, artillerie. Peu à la fois, mais la nuit on entend les trains lourdement chargés se succéder de 5’ en 5’.
Toutes les locomotives belges de la région (150 environ) ont été avant-hier à Douai chercher des troupes. Les anecdotes sont nombreuses.
Hier matin on nous annonce par téléphone adressé  Mr Mathon Président de la Croix Rouge que les Allemands sont à Menin où ils se battent ferme et que nous allons recevoir des blessés. Emoi, branlebas. Cyclistes, autos dépêchés chez tous les membres de la Croix Rouge….. ( ?????) un coiffeur d’Halluin avait été prendre une chope à Menin, avait entendu une galopade de chevaux et dare-dare, sans rien vérifier, sans rien voir, était revenu à Halluin annonçant un combat d’avant-garde ! Vers midi le bruit court que 100 000 allemands sont à la frontière, immédiatement on hisse les grands drapeaux de la Croix Rouge sur les hôpitaux… et il n’y avait personne.
L’exode est grand, ces superbes infirmières chamanées ( ?) de croix, vêtues de blanc s’en vont, le danger et … le travail les font fuir. La parade est finie, elles partent ! Mais elles sont remplacées par des dames moins bruyantes mais plus agissantes. Et deux heures on annonce 100 hulans à Herseaux. Renseignements pris il s’agit d’un seul hulan qui s’est présenté au bourgmestre d’Herseaux en le priant de le faire prisonnier ! Quatre autres en ont fait de même à Baisieux.
Ce qui a le plus inquiété la population ( ???) les tranchées et ouvrages de campagne que le génie construit depuis deux jours tout autour de Roubaix. Ce sont aussi les 150 tranchées ouvetes sur le nouveau boulevard entre Roubaix, Tourcoing et Lille.
Lundi  ( ?) Ma lettre a été interrompue hier par l’arrivée d’un petit détachement de chasseurs ramenant des chevaux de dragons allemands. L’officier, un lieutenant, portait sur sa selle un casque en argent avec ornements en or. C’était le casque d’un officier dont l’épée très ( ???) était un don du Kaiser. L’officier prisonnier conduit à Lille avec 4 de ses hommes était un prince allemand. On avait tué quatre dragons.
L’après midi les Craveri ayant déjeuné à la maison nous ( ??) à Wasquehal voir 3 batteries d’artillerie, un bataillon du 33e un bataillon du 73e un ( ???). Mais la panique était à Roubaix l maire avait publié à 10h1/2 du soir une proclamation annonçant l’arrivée des allemands ! C’était idiot ! Aujourd’hui j’ai été à Herveaux où j’ai vu des chasseurs descendre des hulans. Mr Watine et moi regrettions de ne pas avoir un fusil pour tirer aussi ! Nous sommes occupés militairement et les gaffes de ces jours derniers m’ont ( ???). Le Général Per( ??) est aux arrêts et remplacé dit-on. Le Général d’Amade ( ?) est à Lille parait-il ! ! Tout cela est bien vague néanmoins la confiance renait. 

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28 Août 1914 G.
Ma chère maman. Quel gâchis ! Quelle peur ! que les fonctionnaires de la République sont méprisables ! Nous sommes sépaés du reste de la France sans aucune raison !
Quelques cavaliers allemands sont signalés à 40Km dimanche dernir. Dans la nuit de dimanche à lundi(2H) l’immonde Percin envoi à Roubaix un de ses officiers d’ordonnance prévenir qq familles amies que Lille, Roubaix, Tourcoing seront envahies à 4H du matin par les allemands et qu’il faut fuir ! à 3H – 3H ½ défilé de gens qui se précipitent à Lille en auto, en sapin ( ?) en tous véhicules ! Le Préfet refuse de partir mais sur l’avis donné par Percin il reçoit l’ordre de se retirer à Dunkerque.
Lundi soir poste, télégraphe, téléphone, lumière électrique sont supprimés !Plus que le ( ??? ca. F) qui marche entre Lille et Roubaix parce qu’il fait son courant lui-même. Lundi rien. Mardi le Préfet revient. Poste, télégraphe, électricité reprennent. Mercredi le Préfet repart nouvel arrêt complte sauf pour le courant électrique. Jeudi retour du Préfet… les idiots ! Et pendant ce temps l, voici ce qui se passait : 20 000 cavalirs allemands se cantonnaient à Pecq, commune belge à 6H de Roubaix. Un détachement de 15 dragons venait tâter Roubaix, se promenait d’abord tout autour puis dans Roubaix consommant un peu et payant partout, et après deux jours de promenade disparaissait. Entre temps, lundi après midi on nous signale des blessés à Cysoing (20km. Nous partons avec 20 autos, des infirmières, des brancardiers et… au moins 50 curieux. A Cysoing nous trouvons bien installés dans l’école libre 50 blessés, des territoires de Bretagne (84e) avec un médecin major. Mais ce jour l tout le monde était affolé. Le curé de l’endroit qui seul avait gardé son sang-froid avait été les enlever avec quelques paysans et 3 soldats d’ambulance. Et voici ce qu’il nous a raconté, lui, témoin oculaire et très calme. 12 000 douze mille territoriaux avec colonel et généra sont arrivés dans la matinée -sans placer d sentinelle- ils ont été faie la soupe dans un champ dont la coupe :
DESSIN DE GEORGES
¾ d’heure après leur installation un Taube passe au dessus d’eux et laisse toute une trainée de sable. Disx minutes après ils reçoivent des schnarpells ( ?) d’une batterie allemand installée sur le mamelon à 800 mètres d’eux. Le général et le colonel prennent la fuite. Ils étaient à la ferme tous ceux qui se sauvent par le ravin sont indemne, ceux qui essaient de gagner la route sont tous blessés ou tués. Le bombardement dure ¾ d’heure.
L’officier allemand qui commande la batterie vient visiter le champ de bataille, il est très ému dit le major qui est resté et serre la main à quelques officiers blessés puis sans faire de prisonniers il s’en va, car il avait 6 canons et il n’avait ni cavalerie ni infanterie avec lui, de plus, s’étant battu à Tournai le matin il n’avait plus aucune munition il venait de tirer avec deux canons seulement ses 14 drniers schnarpells c’est lui-même qui l’a dit et il s’attendait à être pris ! C’est navrant !Nous avons ramené à Roubaix 12 blessés grièvement. L’action avait fit 200 morts et blessés.
Mercredi on nous demande d’aller chercher d’autres blessés à Cysoing. Cinq autos partent, la première ( ???) par M.M.Boulton et Haergreve anglais et leur chauffeur. Le seconde par M Desma ( ?), la 3e par Me Mathon, sa fille et deux religieuses, la quatrième par Me Dujardin Me Pollet Motte Me Louis Watine, la cinquième par M Lejeune filateur et une jeune ( ??) de la croix rouge. M Boulton parti l premier rencontre un détachment de dragons qui l’arrête. On l’interroge révolver sous le nez, on examine ses papiers et on l laisse passer. ( ??? ) il voit fondre sur lui à travers champs 150 cavaliers. Il s’arrête, on l’entoure, tous révolvers menaçant, il s’explique avec un capitaine et au bout de ¾ d’heures le capitaine lui fait dire par l’interprete que ses sentiments ont excellents mais qu’il a besoin d’une auto, qu’il confisque la sienne et le chauffeur ; sur interrogation de Boulton il lui donne sa parole d’honneur qu’il renverra le chauffeur et… peut-être la voiture. Boulton et Haergreve retournent en arrière, rencontrabt Me Mathon qui fait demi tourmais Lejeune et Dujardin passant par une autre route vont donner dans la compagni de dragons. Pourparlers et confiscation de l’auto de M Lejeune et libeté donnée à l’autre voiture de continuer. Ce qui fut fat. Les autres voitures n’ont rencontré personne. On a ramené 4 blessés et on a pu aller 50 km plus loin panser 5 allemands et 3 fraçais prisonniers qui étaient gardés par un détachementsans médecin. Les allemands ont remercié et dit que les prisonniers ( ???) seraient acheminés sur les hôpitaux d’Aix La Chapelle.
Hier matin l’auto de Bulton est rentrée , très abîmée, ramenant M Lejeune et le chauffeur. La voiture de M. Lejeune a été gardée. Le capitaine lui a dit « ou je vous renverrai votre voiture ou je vous la conduirai moi-même, votre adresse est dessus ;en tout cas je vous enverrai par la poste un bon de réquisition, remerciez le jeune anglais pour la voiture qu’il m’a prêtée ! ». C’est tout ce que nous avons vu des allemands. Depuis hier il n’y en a plus un seul dans un rayon de 50km. J’ai été à Herseaux où j’ai appris que chmin de fer et poste reprenaient. Quand aux autos elles ont été jusqu’à Solesme où l’on entendait le canon très proche. Là le capitaine et son acolyte sont descendus, le capitaine a indiqué au chauffeur une route. « Allez à 300 mètres d’ici, tournez à gauche vous verrez un estaminet, allez m’y attendre et faites vous servir ce que vous voudrez » puis il lui a donné un paquet de cigares. Deux heures  après il est revenu, a payé la consommation du chauffeur et ils sont repartis pour Pecq où ils étaient à 1H du matin, il lui a fait servir un très bon souper et lui a donné un lit. Comme au moment de partir le chauffeur demandait un laissez passer « ce n’est pas la peine, d’ici à Roubaix vous ne rencontrerz plus un seul allemand ». Mais comme ils connaissent bien les routes. A un moment donné, on arrive à une bifurcation. Le chauffeur va prendre à droite mais le capitaine lui dit « non, cest trop long par là, prenez à gauche, vous tournez ensuitte dans la deuxième rout à droite et vous n’aurez plus qu’à aller tout droit. » !
De Max bien entendu, rien du tout : nous nous manquons !!
Henry ( ???) st mort hier soir d’une colique de ( ???) qui l’a pris à 3H à 5H ½ il avait rendu le drnier soupir. Sa femme est fort mal. Tous deux étaient très affecté dudépart de leur fils. Hier soir 6H ½ M. Mulliez arrive chez moi e demander si je sais où est Charles Toulemonde. Il venait le chercher pour apprendre à Emile Toulemonde que sa femme partie avec 25 enfants, belle fille, 8 petits enfants à Wime( ???), au lendemain de la mort de leur fils Henry était au plus mal d’une angine de poitrine… Que de tristesses !
Dernière heure. M Clément Dupire allant à Wimer( ???) demain mettra le courrier à St Omer. Nouvelles assez vagues de Maxime. Le 110e est à Maubeuge après quatre jours e combt à Hostière( ?). Liouville affirme qu’il n’y a personne de blessé gravement au 110 que les blessés sont à Reis d’où ils seront dirigés sur Rennes. Liouville rentré hier soir avec une balle dans le bras, il est reparti ce matin. Ici tout est calme, la population est admirabl de sang froid. Le Préfet balladeur est revenu… Je t’embrasse bien tendrement.
Georges

Consrve les lettres


7 Septembre 1914 G.
Cette lettre s’adresse aussi bien à marraine qu’à maman et celle des deux qui la recevra devra la communiquer à l’autre car je n’ai pas le temps de la réécrire.
Je crois que vous êtes à peu près au courant des événements jusqu’au moment où nous fûmes coupés, non par l’ennemi comme les journaux semblaient le croire, mais par la stupidité et la lâcheté du général Percin et du préfet du Nord, ces deux individus ayant pris la fuite parce qu’une patrouille de 50 dragons allemands était à Wattrelos… (où on n’a entendu que les coups de fusil de nos fantassins !) Bref plus de Mongy, plus de journaux plus de poste, brusquement à 5H ½ du soir, sans crier gare, sans que rien ne le justifie puis plus d’éclairage électrique l’usine de Wasquehal s’étant arrêtée de peur d’être arrêtée. Le lendemain pas de journaux le matin mais le soir avis de retour du Préfet, éclairage, mongy, annonce de la reprise postale. Tout l personnel était à son poste le mercredi matin26 juillet mais de receveur pas. Un autre détachment de dragons étant venu à ( ???) à Toufflers (14 hommes et un brigadier, quelle troupe !) le Préfet repart, la poste repart……….. O fonctionnaires de la République que vous êtes grands à côté des fonctionnaires Belges qui sont restés à leur poste !
Heureusement que l’inspecteur des téléphones a refusé de partir et est resté avec 5 dames téléphonistes plus courageuses que les autres, notre téléphone a continué à marcher et nous avons établi cahin caha un service postal via Dunkerque. J’ai conté l’affaire de Cysoing plus tard, la semaine dernière, la semaine dernière on nous a demandé d’aller ramasser des blessés à Bapaume, Péronne etc… c’est ce que je vais vous narrer.
Le 26 l’hôpital militaire de Lille nous fait savoir qu’il y a des blessés à Arras, Bapaume etc. sans soins. Prévenus à 9H à 10 nous partions avec 14 voitures automobiles. A Lille on nous dit « prenez garde Lens est occupé ». Nous filons à Lens où nous trouvons nos braves gendarmes faisant des patrouilles. On nous ???) qu’Arras est envahie. A Arras le commissaire central nous demande où sont les allemands ? Attention Péronne est plein de (???) ! à Arras nous avions trouvé 10 autos de la + Rouge d Lille. Nous formons une caravane et je reste à Arras pour orgaiser le srvice de retour. Les hôpitaux d’Arras étaient pleins de blessés, toujours de réservistes. Sur avis du Cololnel major je fais charger ( ???) automobile de quatorze blessés qui pouvaient être assis et le commissaire central m’affirmant que les allemands seraient d ( ???) à Lens je les ai expédiés par St Pol. Partis à 2H  ils ne sont rentrés qu’à 9H du soir !Puis les voitures sont revenues chargées de blessés. J’ai pris la dernière voiture, une voiture de marcahnd de porcs, avec deux blessés sur civire et nous sommes revenus par Béthune où nous avons appris que les allemands de Lens se composaient de 3 Uhlans venus réquisitionner des médicaments. Nous avions sauvé ainsi plus de soixante blessés mais il y en avait encore 700 environ sans soins depuis trois jours. Le lendemain nouveau départ mais aux approches de Lens défense de passer les Allemands nous forcent à retournr.
Me Mathon qui ne doute de rien veut continuer, tous s’y opposent. Au retour nous apprenons qu’il y a à Lille un général. Me Mathon part à la préfecture avec sa fille, Melle Bathir( ?) et deux sœurs. Elles exposent la situation au Général Allemand qui donne ds permis (noirs ?) individuels pour soigner les blssés sur place et l’autorisation de circuler entre Roubaix et Cambrai pour leur auto. Lles sont repartis. L’anglais Boulton qui a déjà été prisonnier des allemands en allant à Cysoing va à Lille avec 3 voitures et obtient des permis pour ces voitures et des bons de réquisition pour l’essence nécessaire aux moteurs. Vendredi à 4H du matin M Mathon, Boulton et une autre voiture partent avec six dames de la Croix Rouge pour soigner sur place. Et dpuis c temps là, comme on est ( ??? ) de tout sur place, ce sont des va et vient continuels pour orter ds mdicaments et des vivres. Ces voitures ont des chargements fantastiques et font chaque fois la route (70-80 Km) en deux heures. Ce qu’ils ont vu ! Tout la région de bataille est entièrement dévastée. Partout ce sont des chevaux éventrés, des cadavres d’hommes. Plus une maison debout, ds ruines provoquées par le feu, les bombes, la démolition car chaque maison a fait l’objet d’un combat. A Moislains (Somme) plus un habitant. Une grande mbulance est établi par les Allemands sept à huit cent blessés sont par terre sur de la paille dans l’usine de ( ??? éponge des Schow ??) (d’Héricourt). Ces dames s’emparent des paqut de serviettes, des sorties de bain etc. et avec tout cela font des lits, des pansements, des couvertures. C’et une puanteur car toutes les plais suppurnt, mais l’ensemble reste bien car les majors allemands pansent nos blessés mais on manque de vivres et tout ce que nous apportons est réparti entre le le côté allemand et le côté farnçais. Les allemands ( ???) une cuve de chocolat à l’eau en disant « pour camarades français » car cs gns sont très convnables, ils ont très peu de médicaments mais ne refusent pas de partager ce que nous lur demandons. Ils invitent les majors farnçais deux) et les dames à partager leurs repas. Tous refusent sauf Me Mathon qui accepte…… elle ne doute de rien !

Nombreux sont les R. prisonniers, P. Hey ??, les deux fils de G. Masurel, 2 fils d’Eugène Motte, 2 fils et un gendre d’Albert Motte, un Cavrois, un fils d’Edouard Motte etc…. Tout Roubaix quoi !

18 Mars 1915 G. puis Y.
De Laubier 8 rue Henry Bossut
A Madame Cadou place du château Amboise
Quelle année ! Il me semble qu’il y a un siècle que nous sommes séparés. Ecris 4 pages à l’adresse qui est en fin de cette lettre en résumant toutes les réponses afin de nr faire qu’une seule lettre de 4 pages. C’est important.
Yvonne m’a donné les plus cruelles inquiétudes en Xbre et janvier, elle a été fort mal -elle te racontera ça – Alcime, Christian et Michel sont en excellente santé. François souffre beaucoup de la guerre, il est déprimé par la situation actuelle. T écriras à Max pour lui donner de nos nouvelles. Tu lui diras que nous pensons tous les jours et à tous les instants à lui. Tu ajouteras que Bichette est touchante de tendre affection et que plus nous l’avons dans notre intimité plus nous l’apprécions et sommes certains d leur bonheur futur. Tu diras à Jean que je compte sur une lettre de lui, individuelle, envoyé par la même voie, je paierai volontiers les frais de port, encore que l’argent soit très  - très – rare ! Dis à Jean que je lui défends de devancer l’appel de la classe s’il n’a pas passé son bachot et que je le voudrais présentant St-Cyr. Vous pouvez faire le nécessaire près des ( ???) Jésuites à Tours. Ecrivez tous les 8 jours s nouvelles de tous, de marraine, de Sophie, de Théodore, embrassez François et Denise pour nous, dis leur d’écrire une semaine. Prenez chacun votre tour , cela ira tant que cela ira, mais notre détresse morale est extrême.
Les réquisitions et autres ne sont rien quand on sait ce que vous devenez.
Baisers bien tendres à tous
Georges
Tournez pour Yvonne
Maman chérie, bien aimée, que je voudrais te voir et t’embrasser ! La vie depuis ces 5 mois d’occupation est plus cruelle qu’on ne saurait l’imaginer : c’est une épreuve dont nous te narrerons un jour les émotions quotidiennes ! Que le bon Dieu permette que nous nous retrouvions un jour, c’est mon grand vœu !
J’ai eu fin Novembre, Xbre et janvier des pertes genre hémorragie… j’ai été si mal pendant un moment que je me suis sentie au bout… mon médecin est aux armées… j’en ai pris un second qui m’a dit qu’il y avait nécessité d’opération… le médecin en chef de l’hôpital m’a dit d’attendre… enfin nous avons pu avoir un spécialiste de Lille qui a été plus rassurant… j’ai pu y aller il y a 8 jours (les médecins ne peuvent circuler) et il m’a trouvée mieux… c’est un fibrôme… on essaiera d’un traitement pour le réduire… après l’occupation… on est maintenant dépourvus de tout ! Tu sais, loin de tous, souffrir ainsi sans un conseil, sans un appui, nous en avons vu des heures cruelles ! 
Mon appétit revient, mes couleurs aussi, je sens que la vie recommence, mais j’ai par moment des malaises très très pénibles… !
Georges a beaucoup changé, beaucoup maigri : notre pain de seigle, noir comme encre est dur comme pierre et quand les dents, et c’est notre cas, ne sont plus très solides c’est une épreuve : il est maintenant Administrateur général de la croix rouge, cela l’occupe beaucoup, c’est bienheureux car vraiment le chagrin nous mine ! Je suis effrayée du changement de chacun, moi qui suis restée 3 mois sans sortir… plus de cloches, plus de sifflets d’usine, on doit être rentré à 8 heures (à Lille 5h) tu ne te doutes pas de la tristesse de la ville… toutes les nouvelles qui parviennent, ce sont de décès de soldats !... quelle épreuve ! et puis sait-on quand et comment ils partiront… quand on voit l’état de Lille on est terrorisé. La vi matérielle est très difficile mais on y arrive… nous avons pu avoir du charbon et le calorifère est allumé depuis le 1er Mars, tout l’hivr cela avait été impossible. Les enfants vont bien, sauf François que tous ces événements écrasent… il se console en disant qu’il racontera tout cela à Daniel et à Claude, c’est égal la vue des canons, des convois, des réquisitions le bouleverse toujours, et c’est une chose continue que ces passages de troupes et d toutes choses !
Nous avons pu avoir en Février de la farine de blé (pas blutée). Emma fait tous les jous un peu de pain pour Georges et moi, mais tout cela arrive au bout. On m’a offert de la farine à 230f les 100 Kgs… tu penses. Puis nous avons des voisins qui en ont pris un sac et le lendemain on est venu le leur réquisitionner… Tu vois cela d’ici ? Et tout cela ne serait rien si on savait quand et comment ils partirons… si on savait ce que vous devenez tous… As-tu reçu la lettre que je t’ai écrite par les Müller ? Depuis le 26 7bre nous avons eu ta carte postale « via Pontarlier Berne ». Maintenant la Kommandantur ne donne aucune lettre ! Nous avons reçu cette carte fin Xbre , entre Noël et le jour de l’an !
Tu comprends bien ce que dit Georges ; pour nos 5 ( ??) nous pouvons recevoir une feuille comme celle-ci… résumez donc les nouvelles, ou que chacun y écrive un mot… que je serais heureuse de lire vos écritures… j’ai eu seulement copie de la carte de maman. Dis nous ce que tu sais de Maxime, de François, André doit être parti aussi… Alice est-elle avec vous… et marraine donne lui de nos nouvelles et parle-moi de ma chère Denise de mon cher petit Daniel, du bon Claude, d’André mignon… parl nous de Théodore, de Sophie… mais surtout dès que tu as cette lettre réponds-y… tu nous donnera des détails plus frais dans la 2e lettre… toutes ce agences fonctionnent une fois, deux ou trois… mais lles finissent toujours par se faire prendre !
Bichette est la consolation de tous, mais la pauvrette est maigrie et bien changée… écris à Maxime de lui envoyer une bonne lettre… je pense que vous savez où est Maxime… on en est arrivé  se demander ce que l’on voit les uns les autres. Je pense que la lettre où je t’annonçais la mort de Léon t’es arrivée… pauvre diable ! Je t’embrasse de toute mon âme, ma chère Maman, donne à chacun les baisers que je mets ici en tas. Priez pour nous, nous avons besoin de courage et de ta force… et moi j’ai bien besoin de ma santé !

C’est toi, mon Jean qui aura la dernière page : tu ne saurais croire toutes les inquiétudes que j’ai ressenties à ton sujet. Je n’ai su que fin Xbre que tu étais  Amboise ; nous nous demandons maintenant ce que tu fais… as-tu travaillé avec André, ou celui-ci étant parti as-tu été à Tours ? Nous nous tourmentons de toi et tu dois le comprendre !
Travaille de ton mieux, mon cher fils, nous passons une année terrible… mais nous ne savons pas ce que vont être les autres… la situation ici va être très précaire, car on noua a tout enlevé… il faut que tu réussisses dans la voie choisie.
Si tu peux, écris à notre bien aimé Maxime, il a besoin de soutien, car sa tâche est rude… enfin prie bien pour nous tous, nous vivons des jours bien cruels et bien durs, chaque jour amène même une aggravation car enfin les ressources baissent.
Je t’embrasse de tout mon cœur, tu peux te dire que je pense à toi sans cesse… je soigne tes rouges-gorges… avec de la graine, car les miettes du pain noir les avaient rendus malades, 2 sont morts de diarrhée, tu vois ce que peut être ce pain !...
Sois bien gentil pour tous ceux qui t’ont accueilli si gentiment si affectueusement. Sois bien… tu sais tout ce que je veux dire en disant cela.
Ta maman qui t’aime d tout son cœur
Yvonne
Il faut laisser ainsi une place et envoyer décachetée
(Réponse)
Monsieur Alphonse Genettello
Rue de la gare
Sas de Gand
(Holland)


                                       
21 Mars 1916 Y.
Maman bien aimée, c’est vers toi que mon pauvre cœur va en ces jours de détresse : que Dieu permette que cette lettre te parvienne afin que tes prières, vos prières m’aident en ces terribles heures.
Mon cher Georges est prisonnier depuis aujourd’hui trois semaines : il a été dénoncé par un français indigne de ce nom, comme ayant soutenu un soldat français bloqué ici par l’envahissement : G. avait pris un service de réfugiés et s’occupait de leur donner des secours, c’était un service relevant de la Mairie dont B. pourra te donner les détails… Si G. a assisté cet individu c’et donc comme réfugié et il n’est victime que de son dévouement et de bonne foi… il a une chambre et je puis lui faire passer linge et un peu de vivres… combien de pas, de démarches pour obtenir tout cela… tous les jours pour passer c paquet quelle misère ! Il est au secret absolu… personne ne peut l’approcher… la sentinelle est là à sa porte toute la journée, toute la nuit !! Il y a des moments où vraiment je n’en puis plus.
Il a déjà été interrogé trois fois… il a été vu traversant la place pour se rendre au tribunal entre deux soldats ( !!) Le juge supérieur, quand il est venu ici prendre tous les papiers relatifs à ce service m’a dit que le jugement, c’est-à-dire son passage devant le conseil de guerre, aurait lieu vers la fin du mois… quand l’enquête serait terminée… il n’y a aucune preuve et entre la parole d’un gredin et celle de G. il me semble que la lumière se fera… mais quelles angoisses en toutes cette incertitude… tous les détails seront narrés quand on se reverra ! Oh ce revoir auquel il faut penser pour avoir encore le courage de vivre… ! Tu ne me reconnaîtras pas tant j’ai changé !... ne rien savoir de tous ceux qu’on aime c’est affreux ! Et mes fils ?...
Je ne peux reposer ma pauvre pensée que près du bon Dieu… ! La vie matérielle depuis un mois est impossible… nous n’avons plus de la viande… et encore quelle viande… que deux fois pas semaine… 20F le kg… il n’y a plus de p. de terre : le ravitaillement en donne 1kg par personne pour 10 jours… j’ai encore du riz et des lentilles… nous assaisonnons cela avec un lard américain qui est plus rance que tu ne saurais croire… les enfants ont maigri mais sont très bien. Michel en souffre plus il est tout rhumatisé… si un nouveau train se formait je ferais partir avec des connaissances les deux petits : les eux grands sont inscrits et signent aux revues d’appel. Les femmes aussi ont des cartes… tu sais… nous pourrons en raconter ! Le printemps amènera-t-il une améliorations dans la question vivres il le faut… nous avons déjà eu des émeutes et cela se comprend la mortalité est du reste effrayante ; voil, maman aimée, la situation dans laquelle je suis : priez pour nous tous !
Penses-tu ce que G. doit souffrir enfermé ainsi… c’est torturant !
Embrasse Denise, François, les petits, marraine, André, Alice, Sophie, Bichette, Théodore… par charité écrivez : reçu depuis janvier une lettre de So.
Je t’embrasse ma chère Maman, avec toute la tendresse d’un cœur bien malheureux et anxieux… vois ce qu’il faut dire à mes fils… mes fils… oh mon Dieu… pitié pour nous tous !   Y.
 

20 Avril 1916 Y.
Ma chère So, c’est à ton tour !... maman, Denise, Marraine, toi… puis je recommence… que recevez vous… je ne le sais : aussi je me répète. G. a été en prison, au secret, pendant trois semaines et deux jours, accusé par deux français d’avoir été secourus par lui comme « soldats » français… il les scourait dans son service de réfugiés mais ignorait leur titre de soldat… quand l’enquête a été terminée il a passé devant un conseil de guerre, j’ai pu y assister, et il a été acquitté vu la qualité des deux accusateurs qui étaient des gredins de la pire espèce… ayant des casiers judiciaires effrayants… tous les détails seront donnés quand on se reverra… G. a été pendant quelques jours très fatigué maintenant il est de nouveau en bonne santé : les forces se ressentent du manque de viande… enfin !
Les enfants se maintiennent ais c’est tout juste… nous pouvons manger de la viande une fois par semaine… et quand nous en trouvons encore… une fois par semaine… elle est à 20 ou 22F le kilog’. Les œufs… très difficiles à trouver sont à 0,6 ( ?).. nous élevons des lapins… mais cela met longtemps à grandir ! Nous n’avons plus de pommes de terre depuis un mois… alors nous mangeons du riz à tous les repas… une fois par semaine des haricots du ravitaillement américain et une fois des lentilles dont j’avais pu faire une grosse provision… j’ai encore des sardines et alors l lard du ravitaillement ma bonne amie rien ne pourra te dépeindre ce qu’il est rance… la chandelle n’est pas pire.. Les enfants s’accoutument mais le pauvre G. et moi sommes récalcitrants !... et tout cela représente ma chère So notre moindre peine !! Le soucis d’Alcime et Christian que nous avons toujours peur de voir emmener… le danger pour nos deux grands… la séparation de tous ceux que nous aimons… tout cla nous fait une croix bien lourde ! Aucun nouvelle de toi depuis ta lettre du 16 Xbre ; rien de maman depuis le 5 août, une lettre de François du 19 septembre… et c’est tout.
Tu ne sauras jamais c que c’est cruel, angoissant, affreux… j’en ai les cheveux aussi blancs que les tiens… toute cette difficulté matérielle, cette peine de cœur et l’inquiétude !! Mon Dieu, ayz pitié de nous !
Nous avons eu des nouvelles par la bonne maman de Hollande mais ce sont des nouvelles si courtes et qui n s’adressent semble-t-il qu’aux enfants… elles disaient « tous bien »… quand il faut se contenter de cela pour deux ou trois mois !
Continuez de leur écrire tous, à ces deux chers enfants : dîtes leur bien qu’ils ont notre préoccupation constante… nous prions pour eux, nous parlons d’eux, nous soignons leurs petites affaires… Nous évoquons les beaux jours passés et nous escomptons l’avenir pour nous faire prendre patience du temps actuel… J’embrasse ma chère maman bien aimée… soigne toi bien… dix fois par jour G. dit « c’est ma belle-mère qui doit s’en faire du mauvais sang » bons baisers à ma chère Denise et aux trois chers trésors… on parle d’eux sans cesse… on ne les reconnaîtra pas !J’ai écrit à François, à Alice chez sa grand-mère, des amitiés à André G. Tendresses à marraine chérie : la belle saison doit revenir dans le midi (ici nous gelons) cela lui fera du bien, bonnes amitiés à Théodore : toi et la chère Berthe prenez aussi une grosse part de tout ce que nos pauvres cœurs font passer au dessus de cette terrible ligne de feu !!
Ecrivez-nous… bien des lettres parviennent et une lettre de vous est un tel réconfort ! Priez bien pour nous qui passons vraiment des heures terribles… et puis enfin qui avons encore à voir le démarrage… du moins faut-il l’espérer !... tout ce qu’on voudra, mais qu’on les repousse, c’est la devis actuelle ! Encore mille baisers. Y
Bons baisers à Bichette et à sa mère : le père va très bien mais il demande lettre détaillée et nouvelles par Croix de Genève. Vous pouvez écrire par la croix rouge de Genève et nous avons droit de vous répondre vingt mots. Faites cela de suite… plus de personnes ont eu ainsi des nouvelles… Y.

15 novembre 1916 Y.

Ma chère maman bien aimée.
Je continue à t’écrie régulièrement… mes lettres parviennent-elles ?
Je n’ai rien reçu depuis le 25 Mai depuis que j’ai appris la naissance de la chère petite Françoise… il va donc y avoir 6 mois… comment peut on vire ainsi accablés de chagrins, de soucie, de difficultés, sans rien savoir de ceux qu’on aime… je me le demande sans cesse !
Indirectement nous avons su « tous en bonne santé »… et c’est tout ! En ce moment notre santé à tous est bonne, nous faisons des sacrifices inouïs pour que les enfants se maintiennent : l’état de la population est effrayant, la mortalité incroyable ; sitôt que les gens attrapent la moindre chose ils meurent. Cette vie d’anxiété et de privations en est la cause… plus d’œufs, plus de viande, boire de l’eau, tout cela affaiblit ! Songe que les œufs sont à 1,2 ( ?)… les pommes de terre 2F le kg… et puis enfin ce qui nous a tous déprimés c’est que nous espérions tous l délivrance dans l’été.. voire même l’automne et que nous sommes toujours là ! Oh ma chère maman mes chers « Tous » quand cette épreuve finira-t-elle ? Je ne peux plus penser aux joies du « revoir » cela me rend malade d’émotion, et pourtant ce bienheureux jour arrivera ! mais quand ?Nous avons des infirmières qui vont vous arriver, elles font leur stage à Rastad : il y en a une que Denise connaît : je lui ai donné une mdaille pour chacun de mes bin aimés fils, une photo, et une petite chose pour Françoise… j’ai fait cela pour elle…  je n’ai pu envoyer plus… cela se comprend elle ne pouvait tout prendre !... Ah ma chère maman que je t’aime et que j’ai envie de t’embrasser… de vous embrasser tous…
Nos occupations sont toujours très grandes : Georges s’occupe de toutes les œuvres d secours : on fait ce qu’on peut. Il est bien mais il n’a pas de force… saura-t-il jamais donner l’effort nécessaire pour tout remettre en route… je m’en remets à la Providence.
Moi je suis bien, plutôt plus forte qu’il y a six mois… mais je suis changée, blanchi !! Je vais maintenant tous les jours faire deux ou trois heures de service au Dispensaire… au moins !... et j ne suis bien que là.. on oublie sa peine en voyant celle des autres.. et ce que je pense à François en travaillant ainsi !... sans compter que le médecin m’a mise beaucoup aux « oreilles, nez, gorge ».. tu comprends que je compatis à ces maux !
Alcime… pour lequel on tremble toujours (il a passé avec succès son diplôme de brancardier, c’est une petite sauvegarde… grâce à cela on nous l’a rendu une fois qu’il avait été pris !!) Alcie donc fait avec beaucoup de goût et de courage ses études de chimie… il aurait pu commencer une année plus tôt… nous croyions que nous allions être délivrés !... enfin. Christian et Michel travaillent mais dans de mauvaises conditions… les professeurs ne sont pas au complet… et ils sont trop fatigués… c’est désolant t il n’y a rein à faire à cela. François va très bien… quand le canon ne fait pas trop de bruit… c’est dur pour les jeunes enfants !!
Ah ma chère maman priez pour nous ! Que le bon Dieu permette que nous revoyions tous : et surtout s’il y a une mauvaise nouvelle, ne nous la cachez pas ! Ecrivez. D’autres lettres arrrivent les vôtres finiront par parvenir… c’est trop dur de vivre ainsi… quand tu leur écrira dis leur que nous vivons pour eux…
Nous embrassons tout le monde.
Ecrivez et parlez de chacun.
Yvonne

25 Juillet 1917 Y.
Me Cadou
Amboise
Indre et Loire

Mère chérie bien-aimée,
Que le bon Dieu permette que cette lettre t’arrive… mais surtout qu’Il fasse que ta réponse me parvienne ! Songe qu’il y a 14 mois que je n’ai pas vu ta chère écriture… depuis que tu m’as annoncé la naissance de la chère petite Françoise je n’ai rien eu de toi ! En Janvier trois lettres de So… puis trois de cette bonne Marie K : la 3e la 17e et le courrier qui emporte celle-ci m’a apporté la 22e ! Je sais que mes deux chers petits sont à Poitiers, en pension, qu’ils sont contents. Merci des les avoir accueillis : leur départ a été le suprême sacrifice ! Nous sommes reconnaissants de ce que vous faites tous pour eux. Embrasse les pour leur pauvre maman ! Je sais que Maxime est bien portant… sans plus… et enfin j’ai su, le jour des vingt ans de mon Jean, par le Matin, qu’il était décoré… je lui ai écrit depuis… Georges par ce même courrier écrit à Maxime… nous faisons tout ce que nous pouvons pour vous éviter toute angoisse inutile : on en a assez comme cela !! Quelle vie nous avons, mère chérie, c’est un cauchemar et qui dure depuis trois ans ! Nous luttons les uns pour les autres afin de ne pas nous laisser aller à la tristesse … si tu savais quel sentiment d’abandon j’ai parfois… je sais bien que vous « nous aimez et vous pensez à nous »… mais vrai j’ai besoin d’une lettre de toi pleine de détails et de tendresse… mes cheveux blancs et mes lunettes m’on encore rendu le cœur plus sensible ! Donc aujourd’hui je viens te demander ceci : fais une lettre bien combinée donnant quelques mots des détails sur chacun… la mosaïque de notre cher Daniel… et puis envoie-la moi tous les jours pendant un mois… tant pis si je la reçois deux fois… fais la copier une fois ou deux par marraine ou Denise dont je n’ai jamais vu l’écriture… fais cela par pitié. Nous ne pouvons plus vivre ainsi ! Georges est maigri beaucoup depuis deux mois que nous avons ce pain noir ! Alcime est maigri aussi… quoi d’étonnant quand on pense au régime. Christian est très bien… moi je suis un traitement par les rayons X et je vais beaucoup mieux : je m’occupe toujours beaucoup au Dispensaire et j’en bénis Dieu… c’est en voyant plus malheureux que soi que l’on accepte sa vie !!
Maman bien aimée je te serre sur mon cœur ; tu sais toute la tendresse qu’il renferme pour tout ceux dont je suis séparée… distribue mes baisers à chacun et dis que j n’oublie personne !
Ton Y.

 

25 septembre (claude Mahoudeau a juste 8 ans) Y.
Il vient d’y arriver d’Angleterre 125 millions de laines pourvu qu’ils ne le sachent pas et que cela ne les mette pas en appétit ! 
En attendant on nous a télégraphié de Paris que nous devons nous apprêter à recevoir entre Lille Roubaix Tourcoing 8.000 blessés ! Alors c’est une nouvelle activité pour installer de nouvelles ambulances.
Je ne donne rien pour tout cela parce que je vais probablement donner l’hospitalité à deux ou trois dames de Ségur qui cèdent leur maison transformée en hôpital ! Pourvu que nous n’ayons que des français ou anglais !
Ceux-ci sont vraiment curieux ils combattent la pipe à la bouche et quand vient 5 heures les uns après le autres ils vont prendre leur thé avec des gâteaux et cela avec un flegme incroyable !

Je suis contente de savoir Maxime chez Denise, s’amusant avec les enfants : je vois cela d’ici ! Le cher enfant : avant-hier quand nous avons embrassé Georges pour son anniversaire il me disait « tant que je n’aurai pas embrassé Maxime il me manquera quelque chose » (je lui ai offert une côtelette de mouton).
Ecris-nous, ma chère maman, ne te décourage pas : tes lettres nous font revivre.
Demain ma causerie sera pour Denise ! Elle en a une charge.
J’écris au brave François, en voilà un qui aura  raconter.
Embrasse André, Alice, le cher petit Daniel dont les 8 ans ont passé bien inaperçu… mon Claude et le petit André.
J’ai n ce moment le bébé de la sœur d’Emma (11 mois) son mari, blessé, transporté à l’hôpital de Chartres, au plus mal… il a fallu qu’elle parte… et j’ai le petit, pas trop difficile mais c’est cela en plus… et une seule bonne !!
Je m’en rappellerai de la guerre
Je t’embrasse mille fois
Yvonne

1er octobre ??? Y.
Ma chère Maman,
Voilà encore une fois l’embrouille de notre côté : alors comme je crains qu’on ne nousôte la poste je t’envoie vite ce mot. Nous voilà envahis par les réfugiés de Valenciennes et d Tournai où les allemands re-pillent et brûlent : nous avons des anglais à Lille et de l’artillerie à Dottignies… mais quelles sont les forces qui vont nous tomber dessus ? Pourront-ils venir ? Où va-t-on les confier ? 
Je vais te mettre tous les jours une carte postale afin que tu saches où nous en sommes !... non mais si tu voyais ces charriots venant de Tournai ! on ne peut avancer sur la place ! et ces gens pleurent !!
Oh ma chère Maman quels tristes jours
Je t’embrasse tous et surtout mon cher fils
Ta fille qui t’aime
Yvonne
??? Dunkerque


 

 

Date de dernière mise à jour : 13/04/2020

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